Intelligence Artificielle et compétences de demain
- Grand Mémoire
- 2 sept. 2019
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Dernière mise à jour : 5 sept. 2019
A l’heure du perfectionnement des outils de l’Intelligence Artificielle, il devient évident que ce phénomène aura un impact non seulement sur la nature des métiers eux-mêmes mais avant tout sur les compétences à développer pour répondre aux besoins de ces nouveaux métiers.
Les nouvelles technologies intelligentes vont amener à une réorganisation des tâches qui sont amenées à évoluer car en automatisant une grande partie des tâches, l’IA va permettre aux humains de se focaliser sur des tâches moins opérationnelles et plus intellectuelles.
Par exemple, le métier des infirmières va être fortement impacté car l’aspect administratif qui représente une grande partie des tâches sera à l’avenir effectué par des systèmes intelligents. Les infirmières pourront alors développer leurs « soft skills » telles que la communication et l’empathie et auront beaucoup plus de temps à consacrer à leurs patients. Ce sera également le cas plus généralement dans les métiers de la médecine et pour les ingénieurs qui verront leurs compétences techniques être petit à petit prises en charge par l’IA et qui devront consacrer plus de temps à la communication et à l’aspect relation humaine de leur métier.
Selon une étude présentée au salon Viva Technology, le cabinet McKinsey analyse les compétences clés qui seront valorisées en entreprise en 2030. Selon l’étude, trois formes d’aptitudes vont devenir clés :
- Les compétences intellectuelles élevées telles que l’écriture et des capacités d’expression élevées
- Les compétences sociales et émotionnelles telles que le management et la négociation
- Les compétences technologiques qui restent toujours fort convoitées
Le problème est qu’un décalage de plus en plus important se fait entre les nouveaux besoins en compétences liés au développement de l’Intelligence artificielle et l’enseignement aujourd’hui dispensé par les systèmes d’éducation. Alors qu’à l’école un enseignement traditionnel principalement descendant (cours magistraux), les nouvelles compétences requièrent un apprentissage basé sur la pratique et sur l’expérience. Les entreprises doivent donc s’adapter et mettre en place des systèmes de formations continues efficaces pour préparer l’arrivée de l’IA dans leur organisation.
Selon une étude d’Accenture en collaboration avec l’Alliance des jeunes entrepreneurs des pays du G20, l’impact d’une mauvaise gestion des compétences dans les prochaines aurait un impact économique de grande ampleur pour les grandes économies mondiales.
Ainsi, la Chine pourrait perdre près de 5500 milliards de dollars (1.7point de pourcentage sur son taux de croissance annuel moyen), les États-Unis 975 milliards de dollars et la France 182 milliards si ces pays n’arrivent pas à réduire le déficit de compétences dans les 10 prochaines années.
Selon cette étude, les emplois sont amenés à être profondément impactés par les nouvelles technologies. Elle estime que 51% des emplois dans l’ensemble des pays évoqués ci-dessus pourront être augmentés et que 39% des emplois pourront être automatisés (notamment ceux liés au travail manuel physique) par les technologies intelligentes dans les 10 prochaines années.
Il en vient à la responsabilité des entreprises d’anticiper ces changements majeurs et préparer ses effectifs au travers de formations adaptées.
Leur objectif sera dans un premier temps de diversifier le champ des compétences. Si aujourd’hui la séparation entre métiers techniques (ingénieurs et autres métiers opérationnels) et ceux plus axés sur les softs skills est bien définie, à l’avenir le champ des compétences va nettement se complexifier.
La formation doit également mettre l’accent sur le développement de la créativité, et de l’intelligence socio-affective qui seront des atouts majeurs dans les métiers de demain.
Née au milieu des années 50, le concept d’intelligence socio-émotionnelle a été définit par les psychologues Salovey et Meyer en 1990 comme « Une forme d’intelligence sociale qui implique l’aptitude à contrôler ses propres émotions et celles des autres, à discriminer entre elles et à utiliser cette information pour guider à la fois sa pensée et son action ».
Largement développé dans le système anglo-saxon, il ne l’est pas encore dans le système français. Pourtant, selon un article publié en 1998 par le psychologue Goleman dans la Harvard Business Review, l’intelligence émotionnelle serait un bien meilleur indicateur de performance que le QI. Il a pour cela mené une étude qui consistait à calculer des quotients d’aptitudes techniques, d’intelligence et d’intelligence émotionnelle sur la base de modèles de compétences de 188 entreprises et il est apparu que le quotient d’intelligence émotionnelle était 2 fois plus important que les autres quotients quel que soit l’emploi ou le niveau hiérarchique.
D’après de nombreuses études, de psychologie, les personnes capables de maîtriser leurs émotions et de faire preuve d’empathie auraient des résultats professionnels largement supérieurs à ceux qui en seraient incapables. Cependant, l’intelligence émotionnelle en elle-même n’est pas un bon indicateur de performance, ce sont les compétences émotionnelles qui en découlent qui le sont. Goleman les décrit comme « une capacité apprise fondée sur l’intelligence émotionnelle qui entraîne une performance remarquable au travail ».
Si l’intelligence émotionnelle peut relever d’un facteur inné, les compétences émotionnelles peuvent s’acquérir et c’est ce sur quoi les entreprises doivent mettre la priorité.
Face à la rapidité d’évolution des systèmes intelligents, la qualité la plus sollicitée sera l’adaptabilité. Il faudra en effet être capable de s’adapter à une évolution continue des méthodes de travail et de formations et faire preuve d’autonomie dans l’apprentissage.
Le plus grand danger à l’avenir ne sera plus de manquer de compétences notamment techniques mais de ne pas être capable d’en acquérir de nouvelles au quotidien.
Pour répondre à la crise imminente du manque de compétences et renforcer l’adaptabilité, il existe trois initiatives que les entreprises peuvent mettre en place :
· Favoriser l’apprentissage expérimental
L’apprentissage expérimental repose sur l’apprentissage par expérience à travers des simulations et de la participation active. Selon une étude réalisée en 2015 à l’université de Chicago, ces méthodes actives différentes parties du cerveau comme la partie sensorielle qui renforce la compréhension la performance. L’apprentissage est plus efficace lorsque l’apprentissage est actif et que le cerveau réalise un effort. C’est pourquoi il est plus efficace de résoudre un problème par nous-même que lorsque la réponse est donnée.
Avec le temps, l’élasticité du cerveau décroit et il devient de plus en plus difficile pour les adultes de retenir l’information à travers la lecture et la simple écoute. C’est pourquoi en complément il est important d’implémenter un apprentissage proactif.
· Mettre l’accent sur les individus plus que sur l’entreprise
Les besoins et objectifs sont actuellement fixés selon des besoins très macro des entreprises. Mais les compétences de chacun étant amenées à se diversifier, il est nécessaire de favoriser un apprentissage multidisciplinaire et personnalisé.
Par exemple, il est important pour les ingénieurs de développer leur créativité et leur capacité de communiquer car ils sont de plus en plus amenés à faire des présentations techniques devant des audiences. Au contraire, des métiers considéré comme requérants des capacités créatives tendent à faire appel à des capacité analytiques, le marketing et la communication analysent maintenant les données des médias sociaux et des performances web.
Il ne s’agit donc plus de recruter un type d’ingénieur ou de marqueteurs mais de nuancer et personnaliser la palette de compétences en fonction des individus.
· Soutenir les salariés en situation de faiblesse
Les travailleurs les plus susceptibles d’être disruptés sont ceux dont les tâches sont à faible valeur ajoutée et donc facilement automatisables. Comme on peut voir dans le schéma ci-dessous, 69% du temps de ces travailleurs est susceptible d’être automatisé. Ce sont ces travailleurs qu’il faut cibler en particulier car ce sont eux qui doivent développer le plus de compétences et pourtant qui suivent le moins de formations.
Les entreprises doivent impérativement faire en sorte que la révolution de l’apprentissage ne renforce pas les déséquilibres économiques et les inégalités sociales.
De plus, les travailleurs seniors tendent à moins participer aux formations car ils ont d’une part une résistance plus élevée au changement et d’autre part car les entreprises investissent plus dans la formation des nouvelles générations.
Si cette évolution des compétences peut être source d’inquiétudes pour les entreprises mais surtout pour les principaux concernés à savoir les salariés, elle sera à terme bénéfique pour tous (salariés et par conséquent entreprises) sous condition d’être menée à bien.
En effet, les salariés pourront se libérer des tâches répétitives à faible valeur ajoutée et pourront se consacrer sur le développement de nouvelles compétences qui leur ouvriront des opportunités de métier à venir beaucoup plus valorisantes. Cette perspective pousse donc les salariés à être plus impliqués dans leur formation et dans leurs tâches en général ce qui entraîne un gain de productivité. C’est en partie ainsi que les entreprises pourront mesurer l’impact de leurs nouvelles politiques de formation.
L’autre aspect à positif qui en découlera est qu’avec une formation adaptée, les entreprises seront à même d’accueillir les transformations majeures engendrées par l’évolutions des outils de l’IA et de la place qu’ils prendront dans les organisations dans un futur proche. Elles pourront donc en tirer le meilleur et limiter les risques de rejet de ces nouveaux systèmes intelligents par les salariés et amorcer une cohabitation pacifique entre les deux parties.
C’est pourquoi la formation et les nouvelles compétences représentent un des défis les plus importants à nos jours pour les entreprises.
Sources
Accenture, 2018 . It's learning just not as we know it , s.l.: s.n.
Boulot, G., 2018. CADREEMPLOI. [En ligne]
Available at: https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu-emploi/detail/article/quelles-competences-lia-bouleversera-dici-2030.html
Chanlat, J. (2003). Émotions, organisation et management : une réflexion critique sur la notion d'intelligence émotionnelle. Travailler, 9(1), 113-132. doi:10.3917/trav.009.0113.
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