Le marketing X.0
- Grand Mémoire
- 2 sept. 2019
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 sept. 2019
Dans une économie globalisée où l’offre est de plus en plus abondante et les marchés extrêmement compétitifs, il devient difficile d’acquérir ou de maintenir un avantage sur la concurrence.
Désormais, nous sommes passés d’un marché de consommation de biens à un marché de consommation d’expérience. La possession d’un bien ne procure plus une satisfaction aussi intense qu’il y a de cela 10 ans. La possession de bien n’a plus la même valeur en termes de reconnaissance sociale. En effet, l’augmentation de l’offre de biens sur le marché et l’augmentation du niveau de vie font que les biens tendent à être moins chers et plus abordables pour une majorité des consommateurs. De ce fait, nous tendons à retirer plus de satisfaction dans le ressentit d’une expérience que dans la possession d’un bien.
De plus, tout ce qui concerne le contact et la relation client depuis l’offre du bien ou service jusqu’à le service après-vente, le maître mot devient la personnalisation et l’individualisation.
Nous ne voulons plus avoir la même paire de baskets que nos amis, la même voiture que le voisin ou écouter la même musique que nos camarades de classe.
Alors nous nous créons notre paire de basket personnalisée avec gravure de notre prénom, nous allons choisir la couleur de notre voiture parmi un nombre de combinaisons possibles toujours plus élevé et on attend des recommandations de playlists sur Spotify selon nos goûts et nos envies.
Le besoin de se sentir unique est devenu omniprésent chez les consommateurs. Et c’est sur quoi les entreprises doivent se focaliser désormais pour se démarquer de la concurrence.
Mais comment offrir une expérience personnalisée à un nombre croissant de consommateurs tout en minimisant les coûts ?
C’est ici que l’utilité de l’IA fait son apparition.
Le chatbot
Les chatbots (« chat » pour discussion en ligne et « bot » pour robot) ou agents conversationnels sont des logiciels programmés pour simuler une conversation en langage naturel. Ces agents colonisent les sites web de nos marques préférées ainsi que les réseaux sociaux.
Né en 1960, le concept était alors représenté par le programme Eliza du MIT qui en imitant un psychothérapeute, était capable de poser des questions à un être humain et de mener une conversation en reformulant ses réponses. Des concours avaient alors été organisés pour récompenser des programmes de simulation de ce genre.
La performance grandissante des chatbot est liée à l’augmentation de la puissance de calcul, de l’analyse de langage et du machine learning mais plus en particulier grâce au Big Data.
Grâce au recueil de quantité massive de données, le chatbot va reconnaître des « paterns » qui sont des termes ou groupes de mots qu’il analyse pour apporter une réponse qui correspond aux termes de la question. Cependant, il faut bien comprendre que le chatbot ne comprend pas réellement ce que l’humain dit, pas au sens où les humains le comprennent.
Les chatbot peuvent même analyser un volume de nos conversations personnelles et adapter leur langage en utilisant nos propres expressions et façon de nous exprimer. Ils peuvent également associer des sentiments à la façon dont nous nous exprimons et donc adapter leur ton en fonction de si nous sommes frustrés ou irrités par une situation.
Cependant, la technique utilisée par les chatbot qu’on peut trouver dans les sites internet au quotidien ne reposent pas sur des techniques d’intelligence artificielle abouties car ces algorithmes ne font principalement qu’analyser des données et donner des réponses déjà toutes faites. S’ils se nourrissent du Big Data, ils ne sont pas encore capables de gagner en autonomie dans la compréhension de la situation et de faire évoluer leur niveau de langage.
On peut commencer à parler de deep learning seulement lorsque le chatbot commence à améliorer des capacités d’analyse et apprendre de ses erreurs.
C’est dans ce sens que des scientifiques de Facebook en AI research et des chercheurs de Stanford University ont créé un chatbot capable de s’améliorer de façon autonome via l’extraction de données de ses propres conversations. Cet algorithme repose sur le principe de feedback : si la conversation se déroule bien, le schéma devient un modèle positif qu’il faut continuer à imiter mais si la conversation se déroule mal, le chatbot va demander un feedback à l’utilisateur pour adapter le schéma conversationnel.
A terme, le chatbot devient capable de prédire le feedback et peut donc anticiper le changement ou non de schéma. Il peut donc s’adapter en continu et en autonomie sans nécessiter une intervention humaine.
Dans ce cas, le risque est que le chatbot renforce ses erreurs en décidant de continuer à imiter le mauvais schéma. Mais les chercheurs ont réussi à trouver une solution à ce problème en intégrant une variable qui est le seuil de satisfaction. Si l’utilisateur atteint un certain seuil de satisfaction avec le robot peut continuer à imiter le schéma conversationnel mais si le seuil de satisfaction est trop bas alors il va demander un feedback et adapter un nouveau schéma.
Les chatbot vont à l’avenir prendre plus d’ampleur dans les stratégies marketing des marques car ils sont non seulement faciles à créer mais ils peuvent aussi générer beaucoup de valeur en renforçant la proximité avec les clients grâce à une personnalisation poussée de l’échange avec ceux-ci.
Les chatbot sont un premier pas vers des méthodes marketing qui seront dans un avenir proche amenées à être beaucoup plus poussées.
Il est difficile de se rendre compte aujourd’hui de la portée de ces méthodes car nous entrons dans une ère où l’incitation à l’achat ne relève pas seulement d’une affiche publicitaire marrante vu dans le métro en allant au travail ou une publicité pleine d’émotions diffusée avant votre vidéo Youtube.
Les marques se basent désormais sur des bases de données toujours plus importantes et souvent récupérées à notre insu. Il n’est plus rare maintenant de parler de l’achat d’un ordinateur lors d’une discussion privée à voix haute et de retrouver des pubs d’Amazon ou de la Fnac pour un ordinateur la minute d’après en ouvrant son téléphone.
Sur Google, il est possible d’avoir un aperçu de toutes les informations qui sont recueillies au quotient sur nous est le constat est inquiétant. Déplacements, conversations, noms du restaurant dans lequel on a mangé et recherches effectuées, tout y est. Même avec les lois sur la protection des données, il est difficile de comprendre l’ampleur du phénomène et de rester maître de ses données personnelles.
Pour aller plus loin
Et c’est de ces données que les marques se nourrissent de plus en plus. Avec le développement des outils de l’IA un champ des possibilités infini s’ouvrent à elles.
On peut par exemple imaginer qu’à l’avenir nous auront tous en permanence à nos côtés un assistant personnel qui nous guidera à travers tous nos comportements de consommation.
Cet assistant aura accès à l’ensemble de nos historiques d’achats, connaîtra nos goûts et envies, notre situation financière et donc notre pouvoir d’achat, nos marques préférées et nos besoins. L’acte d’achat ne sera même plus obligatoire, un ordre suffit pour que l’assistant s’en charge pour nous. A l’entrée d’un magasin, plus besoin de chercher des heures dans les rayons, comparer les prix et les marques, oublier un article qui était sur la liste de courses, passer des heures dans les cabines d’essayage… Toutes ces données seront déjà traitées par l’assistant.
Cet assistant serait certainement un facilitateur de vie car il nous permettrait de gagner du temps, ce qui devient la ressource la plus précieuse dans notre société du fait de sa rareté. Mais d’un autre côté, cela ne serait-ce pas perdre une part de notre humanité ?
L’erreur est humaine. Oublier d’acheter la brique de lait qui était sur la liste de courses, réaliser un achat compulsif en sachant très bien que les comptes du mois ne le permettent pas, prendre du temps à pour faire les magasins sont des preuves de notre droit à l’erreur et de notre liberté d’agir à notre guise. Mais dès lors que nous confions ces tâches à un robot, nos goûts et envies sont ceux que nous avons à travers lui, il devient notre « moi » rationnel mais être humain, n'est-ce pas être irrationnel ?
La question de la cible des marques se posent également. Car dans l’éventualité où ces assistants voient le jour, ils seraient maîtres de la décision d’achat et seraient donc les cibles premières du marketing. Mais comment mettre en place une stratégie marketing pour des machines qui ne ressentent pas et non pas de sentiments alors qu’aujourd’hui c’est justement le cœur de la stratégie des entreprises. Elles ne vendent plus un simple produit ou service mais une expérience, une émotion, une histoire et pour cela elles s’appuient sur la dimension sentimentale des clients.
Une des problématiques également rencontrée par le marketing est le caractère éphémère de la satisfaction du client. Aujourd’hui, si l’achat d’une paire de baskets ou du dernier ordinateur de la marque à la pomme nous procure toujours un vif plaisir et un grand sentiment de satisfaction, ceux-ci tendent à s’estomper plus rapidement. Une vraie addiction s’installe chez les consommateurs qui ressentent le besoin de consommer plus mais surtout toujours plus rapidement. Dans ce cas, l’IA permettra aux marques d’offrir une offre personnalisée grâce au traitement plus rapide d’une grosse quantité de données.
L’IA va changer profondément les métiers du marketing. Cependant, elle devra dans un premier temps et pour une durée indéterminée être supervisée et guidée par les humains. Les départements marketing vont donc devoir faire face à une profonde restructuration pour faire face à ce phénomène et être en capacité d’en tirer le meilleur.
De nouveaux métiers vont faire surface tels que des auditeurs de processus d’IA ou des pilotes de la connaissance client augmentée. Des notions telles que l’analyse cognitive ou la projection individualisée deviendront le cœur des stratégies.
C’est pourquoi les entreprises vont devoir plus que jamais être à l’écoute des besoins des clients et être réactives à l’évolution des marchés pour pouvoir adapter la réorganisation opérationnelle des métiers et surtout pouvoir former les marketeurs pour les préparer au profond changement que va subir leur métier.
Si cela peut être source d’inquiétude pour les concernés, l’IA est globalement acceptée comme une aubaine pour le marketing car ses techniques vont permettre de repousser les limites de ces métiers en poussant la personnalisation et créant un lien privilégié avec les clients comme il n’en a jamais été possible auparavant.
Sources :
Anon., s.d. Le Big Data. [En ligne] Available at: https://www.lebigdata.fr/chatbot-et-big-data
Hancock, B., s.d. Cornell University. [En ligne]
Available at: https://arxiv.org/abs/1901.05415
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